« Évitons les fantasmes sur le lobbying à l’Assemblée » par Olivier Le Picard, fondateur et président de Communication & Institutions
Évitons les fantasmes sur le lobbying à l’Assemblée, par Olivier Le Picard
Les professionnels de la communication d’influence appliquent déjà une solide charte déontologique.
Les initiatives en faveur d’une plus grande transparence du lobbying et de la communication d’influence au Parlement se sont multipliées ces derniers mois. Après de nombreuses discussions et auditions, le dépôt d’une proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale et la rédaction d’un rapport de la commission des affaires économiques sur le sujet, deux pistes sont aujourd’hui envisagées : la délivrance de laissez-passer nominatifs aux représentants de groupes d’intérêts, conditionnée à l’inscription sur un registre public ; la signature et le respect d’une charte de déontologie par quiconque entreprend une démarche de communication d’influence auprès du Parlement. Derrière cette réflexion, l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit pour les parlementaires de pouvoir se fier à l’information complémentaire qu’ils obtiennent pour pouvoir exercer pleinement leur rôle législatif et de contrôle de l’exécutif.La question de l’enregistrement des lobbyistes n’a en fait aujourd’hui qu’un intérêt limité. En effet, la présence physique des lobbyistes au Parlement n’est ni indispensable ni suffisante pour informer et s’informer. Le suivi des travaux, les échanges avec les parlementaires et le travail de communication d’influence se font le plus souvent sur le Web et par courrier électronique. Quant aux rencontres, déjeuners, apartés dans les locaux de l’Assemblée, c’est à la demande des parlementaires qu’ils sont le plus souvent organisés.
C’est parce que les professionnels de la communication d’influence fournissent les parlementaires en notes, documents et argumentaires de toute sorte que ceux-ci peuvent approfondir leur connaissance de tel ou tel sujet et diversifier leurs sources d’information.
En suivant quotidiennement les ordres du jour des deux Assemblées, et en avertissant leurs clients à temps des travaux prévus ou en cours, les lobbyistes, conseils indépendants ou d’entreprise favorisent la communication entre les acteurs sociaux économiques et les parlementaires. Ce travail leur garantit une information indépendante, adaptée et émanant de professionnels bien identifiés, et renforce les moyens de contrôle du Parlement plus efficacement qu’en inscrivant sur un registre des informations dont le risque est qu’elles soient rapidement inadaptées, obsolètes ou incomplètes.Le Monde
GARANTIE DE TRAÇABILITÉL’enjeu majeur est donc bien la déontologie : c’est la déontologie qui doit être au centre de la réflexion engagée et concerne tous les acteurs. Elle doit reposer sur plusieurs principes, dont deux sont essentiels : la séparation stricte entre les fonctions de décision (fonction publique, membres de cabinets ministériels, élus…) et d’influence (lobbies, avocats, ONG, etc.) ; et la communication aux parlementaires d’une information fiable, « traçable », honnête et rigoureuse, reflet de l’état des connaissances disponibles. C’est à cela que se sont attachés les professionnels en créant dès 1991 une association, l’AFCL (Association française des conseils en lobbying), qui regroupe la plupart des cabinets conseils en lobbying en France et a ainsi pu imposer à ses membres une charte déontologique qui fait aujourd’hui référence. Les lobbyistes d’entreprise font la même chose.
Les élus et les pouvoirs publics disposent donc déjà d’un véritable instrument de contrôle des opérateurs et d’une garantie de traçabilité de l’information, par le biais des associations professionnelles de la communication d’influence et du lobbying, et de leurs chartes déontologiques. Celles-ci sécurisent d’ores et déjà les grandes entreprises clients qui exigent, le plus souvent, que la charte déontologique soit annexée à leurs contrats comme cela existe d’ailleurs dans d’autres secteurs d’activité.
L’enjeu est le professionnalisme, le sérieux et la traçabilité de l’information fournie aux parlementaires, et non la qualité du formulaire administratif qui serait rempli chaque année à la questure de l’Assemblée nationale.
Olivier Le Picard est président de Communication & Institutions, cofondateur de l’Association française des conseils en lobbying.